La présidence grecque de l'Union européenne se veut "optimiste". Mais tous les diplomates s'attendaient mardi à des discussions "très dures". Au vu des antagonismes, les pronostics restaient partagés sur les chances d'accord. En cas d'échec, l'hypothèse n'est pas exclue de voir le dossier rebondir sur la table des dirigeants de l'UE au sommet de Salonique (Grèce) dans dix jours ou lors d'une réunion ministérielle extraordinaire fin juin. Les pourparlers de Luxembourg, programmés sur deux jours, pourraient se prolonger vendredi. "Un certain nombre de jours et de nuits de travail acharné nous attendent", a prévenu le commissaire européen à l'Agriculture Franz Fischler. Tout en jugeant "possible" un accord, il a mis la pression sur les plus rétifs à l'égard de son projet, en récusant d'avance tout "compromis boiteux". Il a aussi mis en garde contre les "conséquences très graves" d'un échec des négociations sur la position de l'UE dans les pourparlers sur la libéralisation des échanges au sein de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) en septembre à Cancun (Mexique). "Ce serait là le plus mauvais signal que l'on pourrait donner à l'économie en période de marasme. Ceux qui s'opposent à la réforme devraient alors en assumer la responsabilité", a affirmé le commissaire. Le porte-parole de M. Fischler a pour sa part averti qu'une éventuelle entente franco-allemande sur la PAC, comparable à celle qui avait débloqué en octobre 2002 les négociations des Quinze sur le financement de l'élargissement de l'UE, ne serait pas "automatiquement traduite en un accord" européen. Le président français Jacques Chirac et le chancelier allemand Gerhard Schroeder ont chargé mardi à Berlin leurs ministres de l'Agriculture, Hervé Gaymard et Renate Kuenast, de trouver lors d'une rencontre dans la soirée "des formulations (...) qui puissent rendre possible un succès" à Luxembourg. Selon M. Schroeder, Paris et Berlin sont d'accord pour négocier un "découplage partiel" des aides directes aux agriculteurs "à partir de 2006". La volonté de M. Fischler de couper dès 2004 tout lien entre les aides directes et le niveau de production, d'instaurer en 2007 une dégressivité de ces aides et d'utiliser une partie des fonds dégagés pour financer des réformes futures, sont les points les plus polémiques de sa réforme. Les deux tiers des Etats membres s'opposent à un découplage total des aides. La France et l'Espagne, principales bénéficiaires de la PAC actuelle, sont les adversaires les plus véhéments du projet avec l'Irlande et le Portugal. Les mêmes refusent aussi les baisses voulues par M. Fischler des prix de soutien aux céréales et au lait. Les Quinze sont par ailleurs divisés sur les modalités du transfert de fonds des aides directes vers le développement rural (modulation), prévu par la Commission à partir de 2007. "Trois principes doivent nous guider sur le découplage: l'opération devra nous donner du crédit pour les négociations à l'OMC, protéger les zones sensibles car le découplage ne doit pas mener à la désertification; le système devra être aussi simple que possible", énumère une source proche de la présidence grecque. Une source européenne envisage un compromis sur des aides directes "partiellement et progressivement" découplées qui distingueraient entre productions végétales et animales. Prenant le parti des opposants à M. Fischler, le Parlement européen a suggéré la semaine passée un découplage limité aux cultures arables et à la production bovine mâle. |